dimanche 16 septembre 2007

Quand les chefs font leur combat ...

Il est amusant de voir que ce qui bouge le monde est lié à la passion, mais surtout, à quel point les cheminements ou philosophies qui rassemblent autour d'une même passion peuvent s'avérer différentes ...
C'est ce qui fut pour moi une réflexion évidente ce samedi soir, après une journée agréablement passée à Mougins dans le cadre du festival de gastronomie "les étoiles de Mougins".
Je vais me permettre avec beaucoup d'humilité de vous présenter les chefs que j'ai pu voir dans l'exercice de leur art et ce que j'en ai retirée de leur philosophie.

Nous avons tout d'abord assisté à une démonstration de Jean-Luc Rabanel, "le chercheur", dont la philosophie est d'aller droit à l'essentiel du goût ... Tout son travail semble sortir d'un laboratoire de recherche, mêlé de souvenir d'enfance et d'une solide connaissance de la succession optimale des saveurs en bouche.
Il n'hésite pas à torturer les matières, pourvu que le goût soit intacte et que l'imagination soit au rendez-vous.
J’en veux pour preuve la recette tout droit sortie d’un souvenir d’enfance gourmande, qu’il a créé juste pour nous, en se mettant à la place de ceux qui comme lui aiment le goût, la technique en moins.


Vint ensuite « l’Equilibre », Laurence Salomon, Naturopathe de formation, qui fait cohabiter le beau, le bon et le bien.Elle confronte les saveurs, les densités, les couleurs, les températures, dans un total respect des besoins du corps et de l’esprit … Avec elle, son rouet lui permis de nous concocter spaghettis de betterave rouge, chèvre frais presillé, crème de noisette acidulée et éclats de noisettes torréfiées.



Ce fut le tours de Cédric Denaux, "la logistique". Ce dernier ne peut imaginer un plat sans décomposer l’arrivée en bouche de chaque saveur et surtout le moment précis ou chacune d’entre elles va entrer en jeux. Un vrai compositeur !!! Il n'eu pas peur de mettre le feu à la foule et aux aiguilles de pins pour sa réalisation de Pétoncle de France fumé minute sur l'incendie d'aiguille de pins, butternut-morelle, capucine et crémeux de panais élevé par ses soins.



L'arrivée du "grand chef" Jacques MAXIMIN et sa Brandade de morue Catalane fut très attendue. Dommage que les sommets soient si hauts, cela rend les personnes moins accessibles mais la technique fut à la hauteur de la grandeur (culinaire) de ce chef.



Redescendu à une echelle plus humaine, vint ensuite Pascal RISS, "le gourmet gourmand", qui nous proposa une Pannacota de foie gras au porto rouge réduit, et espuma de cèpe dont je me lèche encore les doigts !!! Là c'est l'osmose entre les différants parfums et fumés qui arrivent en bouche tous en même temps pour fondre avec délicatesse au creux du palet.



Le terme qui correspondrait le plus justement au chef qui suivi, Christian SINICROPI, serait "Atmosphère".

En effet, pour chaque plat créé par ce dernier, il met à contribution un artiste de Valoris pour lui créer les assiettes et autres ustensiles qui contiendront chaque plat, accordant ainsi le goût et la vue de chaque hôte pour creer l'ambiance qu'il souhaite transmettre par le biais de sa cuisine.

Sa présentation de l'Indigène (os à moelle poché, bouillon de boeuf et tartare de boeuf) en fut une superbe démonstration. Imaginez que vous choisissiez celà à la carte, et vous verrez arriver un os déposé sur des supports sculptés, sur fond d'assiette aux peintures rupestres, accompagné de son contenant à bouillon en forme de tête scalpée. Lorsque vous ouvrirez l'os, surprise, une partie de la moelle aura été évidée, laissant place à un carpaccio de viande crue, rajoutant à ce tableau préhistorique une touche limite cannibale. Pour peu que la lumière soit tamisée ...


La journée s'acheva avec Nazira et Cynthia BITAR "la générosité mère et fille". J'ai eu l'impression de me retrouver chez ma mami, qui est un fin cordon bleu, et pour qui le don d'amour passe en partie par le plaisir de faire plaisir en cuisine. Elles nous proposèrent un Ragout de boeuf (traduction) et riz aux vermicelles, ailerons de poulet à la provençale (mode libanaise), et en dessert, un gâteau à base de cheveux d'ange dont je n'ai pas le nom.

Celà a duré le temps qu'il a fallu, mais il y en avait pour tous et au moins de quoi se resservir trois fois chacun ... Les parfum d'extrait de fleur d'oranger ou de rose qu'elles ont rapporté de chez elles, les assaisonnement à base de tomate, cannel, coriandre et citron nous ont transportés directement à Beyrouth. Certes ce n'était pas allégé, mais la générosité qu'elles y ont mis se sentait dans leurs plats libanais, qu'elles avaient avant tout envie de nous faire partager ... une fin de soirée en apothéose, donc, sans grand appareil sophistiqué, et meme sans louche (une casserole vint arranger le manque), sans analyse calorique ou exactitude des dosages mais avec de la tendresse, de l'amour et une gentillesse communicative.